Jeudi 28 mars, la FSU Loire, a invité Paul Devin, à Roanne, pour parler de l’inclusion à l’école. Paul Devin a été Inspecteur de l’Education nationale et secrétaire général du SNPI-FSU. Il est actuellement président de l’Institut de Recherches de la FSU.

En préambule, Romain ALLARD, pour la FSU Loire, a souligné l’importance de ce type de formation dans un contexte d’attaque sans précédent autour d’une école ambitieuse pour tous et toutes. La réforme du choc des savoirs qui trie, stigmatise et renforce les inégalités de manière totalement décomplexée et assumée ne peut qu’être préjudiciable à l’inclusion d’élèves en situation de handicap.

Nassera DJEBBAR (FSU-SNUipp) et Taline BOUAGAL (SNES-FSU), nos représentantes AESH toujours aussi dynamiques de la FSU départementale ont ensuite dressé un bilan de leur action syndicale au quotidien, des types de combats qu’elles peuvent mener pour aider ou représenter les personnels (qu’ils/elles interviennent dans le 1er ou le 2nd degré).

La parole a ensuite été laissée à Paul DEVIN. Il a d’abord et avant tout rappelé que l’inclusion à l’école d’élèves en situation de handicap était une évidence pour la FSU. Elle correspond à un mandat très fort d’une école égalitaire dans laquelle l’inclusion scolaire a forcément toute sa place. Ceci étant dit, il est bon aussi de rappeler que l’inclusion ne doit pas être une simple promesse. Elle doit en effet être suivie de faits et de moyens pour pouvoir être réellement mise en œuvre. Car, il existe une posture contre laquelle, il faut impérativement s’élever ; une posture qui sous couvert de soutenir l’inclusion, propose un marché de dupe aux familles en affirmant que leur enfant finira par trouver sa place dans un milieu ordinaire sans qu’aucun aménagement ne soit nécessaire. En d’autres termes, cette vision des choses tablent sur le fait qu’il suffirait à l’enfant d’intégrer la classe pour qu’il soit accepté et qu’il progresse.

À la FSU, nous portons l’idée que le handicap doit être pris en compte. L’inclusion ne saurait être bénéfique à elle seule. Il faut qu’elle soit accompagnée d’une vraie réflexion et de moyens suffisants. Or dire cela, ce n’est pas aller contre l’inclusion. Au contraire : c’est militer pour une inclusion raisonnée. Pourtant, ce positionnement est parfois pointé du doigt par nos adversaires. Ils retournent totalement le sens de ce que nous portons pour affirmer « Vous êtes contre l’inclusion »

Car pour nos opposants (dont le gouvernement très souvent…), l’intégration seule devrait être un objectif en soi. En creux, cet objectif renonce de facto à l’enseignement et à la culture pour les élèves en situation de handicap. Prenons l’exemple d’un élève trisomique, ne posant pas de problème de comportement notoire, que l’on mettrait dans un coin de la salle pour faire des coloriages. Cet enfant n’apprendrait rien parce qu’on aurait renoncer au préalable à lui apporter un enseignement véritable. Mais, apparemment, il serait socialement intégré…

Cette vision est bien sûr inadmissible. Elle est à l’opposé de celle que nous portons. Pourtant, elle s’habille de beaux oripeaux de tolérance et de vivre ensemble. Elle suppose et prétend que le comportement d’élèves en situation de handicap n’est pas différent de celui d’autres élèves ; que la logique de fonctionnement est identique et qu’elle ne nécessite pas d’aménagements particuliers. En outre, imaginer que le sens de l’accueil des autres enfants dans leur groupe est une évidence, est une erreur fondamentale. A l’école on apprend le respect, le vivre ensemble et la tolérance. Mais cela ne va pas de soi. Cela fait partie de l’enseignement.

La scolarisation des enfants en situation de handicap a progressé. On ne peut que s’en réjouir. Mais l’intégration sans moyens, sans réflexion préalable dont beaucoup se font les champions, est elle vraiment un facteur de tolérance et de respect mutuel ? La question mérite, à minima, d’être posée.

Ces défenseurs de « l’intégration scolaire » sont souvent aussi les premiers à réclamer la fermeture de centre médico-sociaux. Ils brandissent alors un argument idéologique soi-disant égalitaire en affirmant que les centre médico-sociaux sont un facteur de ségrégation. Là encore, c’est inacceptable. Mais cet argument est de plus en plus dans l’air du temps. Nous devons apprendre à le contrer car c’est une arme redoutable qui tend à renverser les valeurs et faire passer ceux qui ont de réelles ambitions pour l’inclusion pour des réactionnaires totalement intolérants.

N’oublions pas que ceux qui nous gouvernent n’ont absolument pas en tête d’avoir une réelle ambition pour l’inclusion des élèves en situation de handicap. La création d’ITEP (Instituts Thérapeutiques Educatifs et Pédagogiques) a d’abord été plutôt bien accueillie par les personnels sur le terrain. Au début, tout allait bien. Personnels en nombre suffisants, présence d’éducateurs pouvant gérer les situation de crise … Mais très vite, la machine s’est enrayée : problème de remplacement (de personnels en arrêt, en congé maternité…), suppression de postes… Quand les problèmes de moyens ont commencé à se faire sentir, les personnels ont compris que les politiques n’avaient jamais eu en tête d’innover pour mieux accueillir. L’objectif poursuivi dès le départ visait à baisser le médico-social et à terme à préparer sa suppression.

Dans le même ordre d’idée, on voudrait nous faire croire que le GEVASCO est un outil d’inclusion raisonnée. Ce n’est bien sûr pas le cas. Le GEVASCO est uniquement un outil mis en place pour gérer la pénurie. Il s’agit d’abord et avant tout de déployer « au mieux » des moyens contraints et insuffisants. C’est d’ailleurs aussi pour cela que les PIAL ont été créés…

La technique néo-manageriale tend à faire croire qu’on est rationnel en utilisant des chiffres soi disants « parlants ». Les chiffres utilisées (tandis que d’autres sont soigneusement passés sous silence…) crée une illusion médiatique qui ne reflète pas la réalité (on se félicite par exemple, de l’augmentation du nombre d’AESH et on se sert de cette augmentation incontestable parce que chiffrée  pour dire « Vous voyez : l’inclusion est notre priorité ! »… sans préciser que le nombre est nettement insuffisant compte tenu du nombre d’enfants en situation de handicap présents à l’école ; sans préciser que les mutualisations envisagées se font au détriment d’enfants qui ont besoin d’un suivi stable avec la même personne…)

L’institution est loin d’être exemplaire. Elle ne remplit pas son rôle quant à la mise en œuvre d’une inclusion véritable à l’école. Pire : parce qu’elle est défaillante, elle allume souvent des contre-feu en culpabilisant les personnels qui sont parfois démunis face à des situations complexes. Ainsi, ces dernières années, on constate que les problèmes relatifs à l’inclusion dans les classes sont le point qui arrivent en tête dans les saisines des fiches SST (Santé Sécurité au Travail). Or, l’Institution a facilement tendance à véhiculer l’idée que ces « plaintes » seraient « indécentes » et donc « irrecevables ».

Il faut le clamer haut et fort : il n’y a pas de honte à vouloir préserver sa santé au travail. On ne saurait parler d’égoïsme reprochable. D’autant que les personnels n’ont pas à à accepter de leçon de moral d’une institution loin d’être exemplaire… Les droits sont tous légitimes et non hiérarchisables. Ce qui veut dire que l’on ne privilégie pas un droit par rapport à un autre même si, dans les faits, c’est parfois très compliqué (lorsque par exemple, les droits ne convergent pas).

Un Inspecteur qui, face à une situation de souffrance professionnelle qui lui serait rapportée, oserait dire une phrase du style « Vous rendez-vous compte que nous parlons d’un élève handicapé ? » pour culpabiliser le personnel en situation de mal-être, oublie de dire que la santé d’un agent sur son lieu de travail est aussi de la responsabilité de l’État.

En outre, la loi Peillon de 2005, souvent brandie de manière réductrice pour couper court à toute discussion en rappelant l’obligation d’accueillir tout le monde au sein de la classe précise aussi que l’accueil d’élèves en situation de handicap doit s’accompagner «  … d’une prise en charge en fonction des besoins des personnes accueillies » Ce qui revient à dire ce que l’on a déjà martelé précédemment et qu’il convient de clamer haut et fort. Les moyens médico-sociaux que le gouvernement cherchent à amenuiser en vue de les faire disparaître sont NECESSAIRES !

Il ne faut pas tomber dans le piège de la culpabilisation systématique qui revient à faire porter l’entière responsabilité des défaillances du système sur les personnels de terrain. A ce titre,  l’idéalisation de la différenciation pédagogique comme réponse à tous les problèmes est un outil de management insupportable et destructeur. Entendons-nous bien : il ne s’agit bien évidemment pas de refuser d’accueillir les élèves en situation de handicap dans les classes (une autre organisation syndicale a parfois tendance à véhiculer cette idée. Ce n’est absolument pas notre propos). Il s’agit au contraire d’oeuvrer et de de porter des revendications fortes pour construire le système le plus inclusif possible. Rappelons ici, que le rôle des enseignants et des AESH est complémentaire ; qu’il ne saurait y avoir une quelconque hiérarchie entre ces deux catégories de personnels.

Cela suppose de lutter contre le dogme du mythe d’une l’inclusion où l’intégration dans la classe ordinaire sans aménagements présentés comme « stigmatisants ».

Cela suppose de s’appuyer sur des personnels formés, en nombre suffisants, avec un statut protecteur et des salaires attractifs.

Cela suppose de lutter contre cette logique managériale qui, malgré une communication qui se veut rassurante et attractive, n’a en fait qu’un seul et unique objectif : celui de faire gérer la pénurie de moyens aux équipes sur le terrain.

Cela suppose de renforcer les moyens médico-sociaux.

Cela suppose d’alléger les effectifs/classe d’octroyer des moyens humains supplémentaires, d’abandonner les PIAL, de reconstituer des réseaux d’aides, d’augmenter les places en établissements spécialisés…

Pour la FSU, l’école inclusive est une école qui remet au cœur de ses pratiques l’idée du droit universel à l’éducation, à la scolarisation et à l’émancipation par l’éducation.

C’est un combat de chaque instant que nous devons tous et toutes mener, notamment par un engagement militant et collectif au quotidien.